Alexandra Badean näytelmä seuraa nuorta lobbaajaa, joka Euroopan parlamentissa pyrkii ajamaan lannoiteteollisuuden etuja. Teos osoittaa miten vallan mekanismit kieputtavat demokraattista päätöksentekoa, eikä aina parhain mahdollisin seurauksin. Alexandra Badean näytelmä puhuttelee yleisöjä, jotka ovat kiinnostuneita kansanvaltaisten instituutioidemme suojelemisesta. Badea on nuori näytelmäkirjailija, jonka näytelmää on jo esitetty laajasti Ranskassa sekä muualla Euroopassa.
Davide Giovanzana
Synopsis
Näytelmän päähenkilö on maataloudelle torjunta-aineita valmistavan yrityksen lobbari. Hänen tehtävänään on varmistaa, että Euroopan parlamentti säätää lakeja firman kannalta edullisesti. Työssään hän kohtaa edustamansa yrityksen ekologista vastuullisuutta selvittävän tahon ja joutuu julkisuuden pyöritykseen. Säälimätön ja kuluttava työ heijastuu lobbarin omaankin elämään, johtaen lopulta täydelliseen burnoutiin ja oman persoonallisuuden pirstoutumiseen.
Näytelmä pureutuu epäterveisiin rakenteisiin, jotka demokratian taustalla vaikuttavat. Alexandra Badean teoksen teksti toimii kuin syövyttävä myrkky. Poraudumme siinä lobbarin aivoihin ja seuraamme tämän julmaa toimintalogiikkaa suoraan sivistyneen yhteiskunnan ja kansanvaltaisen päätöksenteon ytimiin.
Tu es allongé dans le king-size bed d’un luxueux hôtel
international. Tu revois tes notes. Dans quelques heures tu
assisteras à la conférence européenne sur les enjeux semenciers.
Tu attends ce moment depuis une éternité. Tu as
travaillé dans les bas-fonds de la Commission européenne
pendant des mois, et maintenant il est temps de sortir à la
surface. Tu vas frapper à ton endroit. Tu vas leur dire haut
et fort qu’il faudra harmoniser, uniformiser, simplifier. Tout
ça pour concentrer encore plus de pouvoir dans les quatre
cinq poches des industriels du monde. On traverse un changement
radical et toi tu fais partie du mouvement. Ça te
plaît, ça t’excite, ça te fait bander.
Ton portable sonne. Tu décroches un peu inquiet. C’est le
numéro de la maison de retraite où loge ton grand-père et
tu t’attends à de mauvaises nouvelles. Pas maintenant, c’est
pas le moment. Tu as même hésité à répondre mais si tu le
fais pas tu seras encore plus paniqué plus tard, et
aujourd’hui t’as pas la place pour de mauvaises ondes.
Tu entends sa voix et tu es soulagé.
– Tu vas bien ?
– Je vais bien. Et toi ?
– Ça va.
– Ça va ? Moi je ne pense pas.
Et ton papi se met à te hurler dessus de la hauteur de ses
92 ans.
Tu ne comprends pas ce qu’il lui prend. Ça doit être les
médicaments tu te dis pour te déculpabiliser d’un cran.
Mais quand tu l’entends parler du patrimoine de l’humanité
tu comprends que c’est ton nouveau job qui lui pose problème.
Il commence à te parler de son jardin, où il plantait tout
seul ses graines. L’automne il faisait sécher la meilleure
semence pour la replanter au printemps. Parfois il faisait
des échanges avec les voisins du potager, mais il n’a jamais
acheté des saloperies et pourquoi il serait obligé de le faire
maintenant ?
Papi tu lui dis, tu n’achèteras rien, car tu n’as plus ton jardin
potager partagé depuis vingt ans. C’est fini, le monde a
changé et nous avec.
Le monde n’a pas changé depuis des siècles là-dessus, il dit.
Les plantes poussent, on les aide à pousser, on se les transmet.
C’est vous qui changez le monde pour vous le fourrer
dans vos poches.
Tu avales ton fou rire pour pouvoir lui répondre mais tu
n’as plus le temps, car il te dit « ne reviens plus jamais me
voir » et il raccroche.
Tu es triste. Quand un vieux dit le mot jamais ça a vraiment
le goût du définitif. Tu voudrais le rappeler mais tu as peur
de lui causer une montée de tension et qu’est-ce que tu
pourrais lui dire ? Que tes crédits ont dépassé ta capacité
de paiement ? Que tes enfants doivent aller dans des écoles
privées pour pouvoir réussir leurs vies ? Que le monde a
changé depuis longtemps et que lui il ne l’a pas remarqué
car il a continué à lire des bouquins sur la résistance française
et les guerres coloniales ? Papi arrête de te prendre pour
Stéphane Hessel. Il vient de mourir. Laisse-moi faire mon
travail. Je t’ai demandé moi ce que tu as foutu en Algérie ?
Tu te calmes. Sous la douche ça passe. Tu enfiles ton nouveau
costard Armani et tu traces.
Tu sors de l’hôtel et là un cordon de manifestants altermondialistes
braque ton passage. Une fille rasta vient
t’agresser en te montrant une photo avec des paysans affamés
du tiers-monde.
« Vous savez que les agriculteurs se suicident en Inde ? Ils
n’ont plus l’argent d’acheter vos semences et vous leur avez
volé leur patrimoine. À qui appartient la terre ? »
Tout de suite les grands mots. Les mêmes discours vendus
sur Wikipédia. Qu’est-ce qu’ils savent ces gosses gâtés sur
le monde ? Il leur a été servi sur un grand plateau, ils
s’empiffrent et ils gueulent pour ne pas se taire. Ils protestent
par ennui métaphysique, par paresse existentielle, par
frustration automatique.
Tu essaies de pousser, de te glisser, de passer, en vain, ça
ne marche pas.
D’autres lobbyistes arrivent ils essaient de pousser de se
glisser de passer, mais rien ne bouge. Les gosses gâtés sont
plus forts que vous.
Tu regardes ta montre et tu paniques. La conférence
commence dans 10 minutes et vous vous êtes bloqués. Tes
confrères renoncent à l’affaire mais toi tu dois trouver une
solution. Tu es en début de carrière et si ça foire tu vas
directement au fond du trou. Tu croises dans les couloirs
de l’hôtel un plombier. Tu lui donnes un billet et il te file
sa combinaison de chantier. Tu peux sortir maintenant.
Tu croises encore quelques jeunes excités mais personne ne
te regarde. Tout le monde guette les costards, ils sont cons
en plus, aucun sens de l’imagination.
Tu arrives à la salle de congrès, les gardes du corps te
scrutent bizarrement, mais ton badge passe et c’est l’essentiel,
personne ne peut t’interdire l’accès à cause d’une
combinaison de plombier.
Les fonctionnaires européens sont morts de rire mais tu fais
ton show, tu places tes idées et tes intérêts et ça passe. Tu
les as dans la poche de ta salopette d’ouvrier qualifié qui
touche sur un mois ce que toi t’as encaissé en deux heures.
Une fois rentré à ton hôtel plus aucune trace de manifestants.
Ça s’est calmé. La révolution s’arrête en Europe à
l’heure de l’apéro. Tu as un sourire tendre pour cette génération
paumée et tout ce que tu espères c’est que tes enfants
n’en arrivent pas là.
Ton chef t’appelle pour te féliciter. Les retours sont bons,
tu auras une prime et un nouveau dossier. Bienvenue dans
le monde des pesticides. Lobby ouvert 7 jours sur 7, 24 heures
sur 24. On veille sur l’avenir de votre monde.
Romaniassa 1980 syntynyt Alexandra Badea on paitsi kirjailija myös elokuvaohjaaja. Hän opiskeli ohjausta Bukarestissa, mutta on sen jälkeen keskittynyt kirjoittamiseen. Hänen palkittu näytelmänsä Pulvérisés (2013) sekä muu draamatuotantonsa ja romaaninsa, Zone d’amour prioritaire (2014) ja Tu marches au bord du monde (2020) on julkaistu Ranskassa. Europe Connexion (2015) -kuunnelmasarja kuuluu France Culturen ohjelmistoon. Hänen näytelmätrilogiastaan Points de non-retour tehty yhteisensi-ilta tulee Théâtre de la Collineen Pariisissa vuonna 2022.